Henri et Xavier nous ont chacun communiqué
ce texte qu'ils souhaitaient proposer à votre méditation.
Merci, Henri! Merci Xavier!
TEXTE ÉCRIT PAR PIERRE ALAIN LEJEUNE, PRÊTRE À BORDEAUX
Et tout s’est
arrêté…
Ce monde lancé comme un
bolide dans sa course folle, ce monde dont nous savions tous qu’il courait à sa
perte mais dont personne ne trouvait le bouton « arrêt d’urgence », cette
gigantesque machine a soudainement été stoppée net. A cause d’une toute petite
bête, un tout petit parasite invisible à l’œil nu, un petit virus de rien du
tout… Quelle ironie ! Et nous voilà contraints à ne plus bouger et à ne plus
rien faire. Mais que va-t-il se passer après ? Lorsque le monde va reprendre sa
marche ; après, lorsque la vilaine petite bête aura été vaincue ? A quoi
ressemblera notre vie après ?
Après ?
Nous souvenant de ce que
nous aurons vécu dans ce long confinement, nous déciderons d’un jour dans la
semaine où nous cesserons de travailler car nous aurons redécouvert comme il
est bon de s’arrêter ; un long jour pour goûter le temps qui passe et les
autres qui nous entourent. Et nous appellerons cela le dimanche.
Après ?
Ceux qui habiteront sous
le même toit, passeront au moins 3 soirées par semaine ensemble, à jouer, à
parler, à prendre soin les uns des autres et aussi à téléphoner à Papy qui vit
seul de l’autre côté de la ville ou aux cousins qui sont loin. Et nous
appellerons cela la famille.
Après ?
Nous écrirons dans la
Constitution qu’on ne peut pas tout acheter, qu’il faut faire la différence
entre besoin et caprice, entre désir et convoitise ; qu’un arbre a besoin de
temps pour pousser et que le temps qui prend son temps est une bonne chose. Que
l’homme n’a jamais été et ne sera jamais tout-puissant et que cette limite,
cette fragilité inscrite au fond de son être est une bénédiction puisqu’elle
est la condition de possibilité de tout amour. Et nous appellerons cela la
sagesse.
Après ?
Nous applaudirons chaque
jour, pas seulement le personnel médical à 20h mais aussi les éboueurs à 6h,
les postiers à 7h, les boulangers à 8h, les chauffeurs de bus à 9h, les élus à
10h et ainsi de suite. Oui, j’ai bien écrit les élus, car dans cette longue
traversée du désert, nous aurons redécouvert le sens du service de l’Etat, du
dévouement et du Bien Commun. Nous applaudirons toutes celles et ceux qui,
d’une manière ou d’une autre, sont au service de leur prochain. Et nous
appellerons cela la gratitude.
Après ?
Nous déciderons de ne
plus nous énerver dans la file d’attente devant les magasins et de profiter de
ce temps pour parler aux personnes qui comme nous, attendent leur tour. Parce
que nous aurons redécouvert que le temps ne nous appartient pas ; que Celui qui
nous l’a donné ne nous a rien fait payer et que décidément, non, le temps ce
n’est pas de l’argent ! Le temps c’est un don à recevoir et chaque minute un
cadeau à goûter. Et nous appellerons cela la patience.
Après ?
Nous pourrons décider de
transformer tous les groupes WhatsApp créés entre voisins pendant cette longue
épreuve, en groupes réels, de dîners partagés, de nouvelles échangées,
d’entraide pour aller faire les courses où amener les enfants à l’école. Et
nous appellerons cela la fraternité.
Après ?
Nous rirons en pensant à
avant, lorsque nous étions tombés dans l’esclavage d’une machine financière que
nous avions nous-mêmes créée, cette poigne despotique broyant des vies humaines
et saccageant la planète. Après, nous remettrons l’homme au centre de tout
parce qu’aucune vie ne mérite d’être sacrifiée au nom d’un système, quel qu’il
soit. Et nous appellerons cela la justice.
Après ?
Nous nous souviendrons
que ce virus s’est transmis entre nous sans faire de distinction de couleur de
peau, de culture, de niveau de revenu ou de religion. Simplement parce que nous
appartenons tous à l’espèce humaine. Simplement parce que nous sommes humains.
Et de cela nous aurons appris que si nous pouvons nous transmettre le pire,
nous pouvons aussi nous transmettre le meilleur. Simplement parce que nous
sommes humains. Et nous appellerons cela l’humanité.
Après ?
Dans nos maisons, dans
nos familles, il y aura de nombreuses chaises vides et nous pleurerons celles
et ceux qui ne verront jamais cet après. Mais ce que nous aurons vécu aura été,
si douloureux et si intense à la fois, que nous aurons découvert ce lien entre
nous, cette communion plus forte que la distance géographique. Et nous saurons
que ce lien qui se joue de l’espace, se joue aussi du temps ; que ce lien passe
la mort. Et ce lien entre nous qui unit ce côté-ci et l’autre de la rue, ce
côté-ci et l’autre de la mort, ce côté-ci et l’autre de la vie, nous
l’appellerons Dieu.
Après ?
Après ce sera différent
d’avant mais pour vivre cet après, il nous faut traverser le présent. Il nous
faut consentir à cette autre mort qui se joue en nous, cette mort bien plus
éprouvante que la mort physique. Car il n’y a pas de résurrection sans passion,
pas de vie sans passer par la mort, pas de vraie paix sans avoir vaincu sa
propre haine, ni de joie sans avoir traversé la tristesse. Et pour dire cela,
pour dire cette lente transformation de nous qui s’accomplit au cœur de
l’épreuve, cette longue gestation de nous-mêmes, pour dire cela, il n’existe
pas de mot
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