vendredi 10 mai 2019

A Conques, un jour de mai comme un autre ...


Ferdinand le petit âne


J'ai emprunté le nom de ce petit âne qui, régulièrement, rend visite à l'abbaye parce qu'il accompagne un pèlerin en route vers St Jacques, à un livre que je ne peux que vous recommander et qui dit tout du chemin, et de cet étrange énergumène que l'on appelle un pèlerin, à moins que ce ne soit un pérégrin : «   Il est un beau chemin semé d'épines et d'étoiles » - le voyage de Compostelle avec le petit  âne Ferdinand » de Jacques CLOUTEAU.

En exergue le petit âne dit la chose pertinente suivante : «  Moi, Ferdinand, roi des Ânes et roi d'Aragon, j'ai traîné un fêlé sur 1700 kilomètres sur le chemin de Compostelle du Puy en Velay à Santiago, et c'était bien... »

Cela m'a inspiré, alors que j'étais à Conques, voyant arriver, au fil des jours, ces fameux fêlés, que nous sommes tous, ces quelques mots que me soufflait l'âne Ferdinand alors que je le conduisais au pré des moines au-dessus du Dourdou.

Ferdinand, le petit âne est un drôle d'animal qui porte sur cette singulière espèce humaine des pèlerins, un regard sans nuance, mais non dénué d'une certaine tendresse.

Ferdinand, le petit âne, parle pour son maître, qui trouve qu'il pleut trop, que la nourriture est mauvaise, ou insuffisante, qu'il y a trop de ronfleurs. Bref Ferdinand râle pour un oui ou pour un non.

Mais Ferdinand, le petit âne, s'attendrit quand il voit partir un pèlerin, à moins que ce ne soit un pérégrin, vêtu de sa seule bure, de son bourdon et d'un grand sourire qui l'habille si magnifiquement. Un vrai seigneur. Il marche depuis si longtemps qu'il ne sait quels siècle il a déjà traversé. Mais Ferdinand, le petit âne, est content parce que, pour lui, c'est le vrai sens du chemin, se dépouiller du superflu, puis du nécessaire, pour ne rester qu'avec lui-même.

Et Ferdinand, le petit âne, s'esbaudit de ces pèlerins sur leurs drôles de machines dont il se demande comment ils font pour ne pas tomber, et il s'inquiète pour eux de la longueur de la longueur, et de la dureté des pentes.

Ferdinand n'a toujours pas compris pourquoi ces étranges marcheurs peuvent, parfois, emmener avec eux leur propre animal domestique, par exemple ce brave chien qui aura fait deux fois le parcours, et qui dort aujourd'hui au chenil de l'abbaye, terrorisé par le bruit de la débroussailleuse qu'actionne vigoureusement un hospitalier déchaîné.

Ferdinand, le petit âne, s'étonne de l'énergie déployée pour exterminer les punaises de lit, si petites que l'on ne les voit pas. Mais il comprend Ferdinand et il ne veut surtout pas juger. Il se dit, malgré tout, que ces beaux sacs plastiques transparents finiront quelque part dans la nature, et cela il n'aime pas si, d'aventure il devait, par inadvertance les brouter.

Les humains, et singulièrement les pèlerins sont d'une espèce particulière. Ils parlent entre eux de noms de villes et de villages, s'expriment par signes et onomatopées ; consultent d'étranges grimoires qu'ils appellent des topoguides, puis se précipitent sur une bible très profane, le "miam-miam dodo" allez comprendre une telle langue. Ils s'enferment ensuite dans leur monde fait de signes de reconnaissance, de confidences et même de vantardises : «  j'ai fait le Norte ; non, moi c'est le Primitivo ; je suis allé à Jérusalem ; la Via della Plata c'est ma dernière rando."

Et puis, ce matin, Ferdinand le petit âne, du haut de son mètre au garrot, n'en revenait pas ; ce barbu chevauchant ce qu'il appelait un « vélocipède » et qui ressemblait à une fusée martienne, avait traversé l'Afrique de Gibraltar au Cap en 345 jours et 20000 kilomètres.

Ferdinand le trouvait un peu fêlé, mais comme son maître semblait content d'avoir rencontré un « pays », il n'osait rien dire, mais n'en pensait pas moins. Ils sont tous un peu cinglés, pensait-il, avec une certaine admiration malgré tout, en songeant à cette vieille dame indigne de 80 ans qui marchait grand train vers Santiago.

Et puis Ferdinand, le petit âne, était content parce que, si son maître était un peu fou, il lui faisait voir des belles choses sur ce chemin «  semé d'épines et d'étoiles » Et la « folie » rend possibles des choses que l'on ne ferait pas autrement, à vouloir tout calculer. Partir, cela lui plaisait à Ferdinand, le petit âne, y compris, et d'abord, à cause et pour l'imprévu. Il faisait sienne cette belle maxime qui préside au chemin : « quand on part en voyage, le plus dur est de franchir le seuil ! »

Ne me dîtes pas, après cela, que secrètement, vous ne vous êtes pas, toutes et tous retrouvés dans ce que dit, si justement ce brave Ferdinand, le petit âne.

Henri ROUSSEL <rousselh@hotmail.fr>





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MERCI !

Merci à Henri ROUSSEL qui nous a confié ce texte pour que nous le partagions avec les lecteurs de notre blog !  N'hésitez pas à nous envoyer, vous aussi, vos textes et photos à ultreia06@laposte.net

Marc UGOLINI
Président-Délégué





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