lundi 2 décembre 2019

En ce début de l'avent , un texte d'Henri intitulé "De l'humilité"

Le chemin, quel qu'il soit est et reste un moment d'humilité à condition que l'on y soit réceptif. Quelqu'un qui m'est très cher, depuis bien longtemps, ne cesse de me le répéter, de ce jour où, descendant vers Conques tous les deux, mon genou avait lâché. Il avait fallu attendre la réparation du dit élément de mécanique pour que la machine se remette en marche. Et le chemin, oh miracle, était toujours là.


En termes de mode de véhicule, le mien n'est ni une petite cylindrée, encore moins une voiture de sport. Ce serait plutôt une bonne camionnette familiale, ayant quelques kilomètres au compteur, et une vitesse de pointe qui peut, de manière exceptionnelle atteindre 5km/h mais se situe souvent aux alentours de 4,5km/h. C'est tout à fait honorable, à la seule condition de ne pas contrarier la mécanique, par arrêts intempestifs, ou la nécessité de se faire emmener par je ne sais quel porte-char, ou remorque parce que la batterie aurait soudain flanché.
Et c'est pourtant bien ce qui est arrivé. Une bonne pluie n'effraie pas le pèlerin, mais chacun sait qu'il ne faut pas tenter le diable quand les conditions météorologiques deviennent particulièrement difficiles. Au premier arrêt, le véhicule a protesté, mais elle est repartie après un trop long stationnement dans une gare d'autobus inondée par les torrents que déversaient ce jour-là le ciel.

Le lendemain le ciel noir était derrière et pourtant le pire était à venir, une machine à laver où la fourgonnette a été moultement bousculée, au point d'y perdre la route avant que de la retrouver au milieu des ruisseaux devenus torrents. Le coffre contenant les bagages du pèlerin était fort inondé et une provision d'eau supplémentaire appuyait sur le châssis.  Il fallut tout sécher une fois la bonne direction retrouvée et un abri provisoire attribué.

Le lendemain il pleuvait toujours, et les autorités invitaient à la prudence, et donc à la sécurité. Les chemins étant impraticables, il fallait trouver autre chose: une piste le long de la voie de chemin de fer Alicante Madrid, puis la même chose, sur le même trajet le long de l'autoroute. Poétique en diable, champêtre à souhait; 22 kilomètres ainsi à la fois seul au monde et à côté d'une foule rugissante, celle des grosses cylindrées lancées sur le bitume voisin.
Encore un jour comme cela et le châssis, pourtant en titane, et les suspensions protestaient tandis que la batterie donnait des signes de faiblesse. Devant soi encore deux jours comme cela pour éviter les chemins détrempés et accompagner l'autoroute.
En arrêtant là la comparaison automobilistique, il me fallait attendre plusieurs jours avant que des conditions de circulation satisfaisantes se rétablissent, alors que les risques d'une marche en solitaire et en autonomie complète pour certaines sections étaient à prendre en considération: accepter une forme de mise en danger de soi est une chose, faire prendre des risques à d'autres pour venir vous chercher en est une autre. Pendant trois jours j'ai tourné tout cela dans ma tête, pesant les différents éléments, pour conclure, qu'avec le temps dont je disposais, et le temps (météo) qui m'était offert, il fallait savoir renoncer. Dur à écrire, plus dur encore à vivre quand l'on pose les bâtons sans savoir quand on les reprendra..

C'est la deuxième fois que cela m'arrive sur ces chemins et je reçois une nouvelle leçon d'humilité. Il reste à la comprendre, et l'admettre. Je suis rentré très laborieusement à la maison par des voies de traverse ( les trains vers Valencia continuant à ne pas fonctionner) et je vais reprendre sans désemparer mon autre activité. Je retournerai à St Jacques, même si les conditions ne seront pas tout à fait identiques.


Henri ROUSSEL

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