Cauchemar sur le chemin
Ce pourrait être le titre du film à réaliser sur le chemin aujourd'hui. Cela avait pourtant bien commencé. Certes le ciel était couvert, on voyait bien vers l'est, derrière moi que l'horizon était très chargé mais je restais confiant. Je suis parti d'un pas gaillard heureux de reprendre la route après ce fâcheux contretemps. Assis ce matin dans un bar pour prendre un café, je regardais ce que diffusait la télévision en boucle et l'on parlait aussi d'Almansa où j'avais été bloqué. Images impressionnantes bien sûr d'une nature déchaînée mais où l'homme a contribué à amplifier les phénomènes notamment une urbanisation débridée et une imperméabilisation corrélative.
J'ai commencé par pénétrer dans une forêt de pylônes électriques de toutes natures: la haute tension avec sa magnifique plantation se perdant à l'infini par une saisissante allée; les moyennes et basses tensions apportant leur fantaisie par des tracés aléatoires; enfin les poteaux télégraphiques donnant une petite touche supplémentaire de grâce à cette composition paysagère. En dehors de moi pour contempler cette création il n'y avait que des oiseaux pour profiter, et du spectacle, et du perchoir pour s'envoler vers une migration lointaine.
J'ouvrais le cortège à une masse nuageuse derrière moi dont je n'arrivais pas à croire qu'elle me toucherait. Un peu plus loin une vaste allée bordée de plantations d'amandiers me fit entonner l'air des "Fireworks" de Haendel tant cela avait un air festif et majestueux. Et puis brusquement la pluie est arrivée, sans crier gare mais avec une violence inouïe. La vue s'est brouillée ; on ne distinguait alors qu'une étendue blanchâtre balayée par les rafales tandis que le chemin devenait ruisseau. Peut-être y avait-il une indication de chemin; peut-être n''existait-elle pas ou elle était invisible. Toujours est-il que j'ai erré dans un néant noyé par les torrents d'eau, marchant pendant plus de deux heures dans 10 cms d'eau. Au loin, vers la droite on entendait, vaguement, gronder une autoroute; le téléphone était inutilisable faute de réseau. J'ai donc beaucoup vagabondé, lentement, en glissant moultement, en traversant des petits ruisseaux devenus grands. Sous le sac à dos une poche d'eau s'est constituée qui me battait l'arrière train. Je suis sur que, raconté comme cela, on pourrait faire un vrai film.
Au delà de la plaisanterie, cela fait quand même beaucoup d'eau. Comme disait Mac Mahon contemplant les inondations de la Garonne à la fin du 19ème siècle : " Que d'eau, que d'eau!" oubliant le bilan humain. Même remarque pour l'Espagne aujourd'hui.
Je suis arrivé "un peu mouillé" à l'ayuntamiento de La Ginesta, dehors et dedans; le sac est trempé. La pluie bat son plein à l'extérieur alors que je suis réfugié dans les vestiaires du complexe sportif qui m'accueillent pour la nuit. Les prévisions météo pour demain restent très mauvaises, la cellule froide remontant par le même chemin que moi vers Madrid. Il me faudra aviser demain car paysage et climat s'acharnent contre les marcheurs.
ROUSSEL Henri et Jocelyne
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