dimanche 20 juin 2021

LE BILLET DES ROUSSEL : "Un dimanche à Figeac; les contes du chemin !"

Si l'on se promène en centre ville à Figeac on va forcément imaginer que c'est le désert comme dans tout autre commune de France le même jour et à la même heure.  Bien sûr, les rues étaient vides, les places nues et délaissées, les impasses plus obscures encore.  Et pourtant peuplée de tant d'histoire et d'histoires que le bruit s'en répand au long chemins. Tout soudain la grande devanture sous son arc ogival ouvre ses étals aux badauds sortis tout droit du Moyen Âge;  une odeur d'égout se répand, les passants évitent les immondices au sol et les flaques malodorantes du caniveau.  Cette ville respire les temps anciens, les ressuscitent pour le plus grand bonheur des flâneurs et marcheurs.  Elle est vivante et animée même les jours où l'on sy attend le moins.

A 8h30 ce matin avant même la messe nous avions fait la lessive des draps du lendemain, fait les lits et les comptes en relevant les dépenses et recettes du jour..  je m'étais occupé à nouveau, à la demande de la mère supérieure de l'ivrogne qui stationnait devant la porte des carmélites à l'entrée du cloître, en l'invitant, courtoisement et civilement mais fermement à libérer la place et à aller faire la manche à la porte d'entrée.  Nous lui avons donné de quoi manger pour la journée et, moins d'une heure après il était de retour dans l'église !

Café en ville (infect) et courses en périphérie car cela facilite, au retour le stationnement en face du gîte. Complet demain, mercredi, en attente de pèlerins pour mardi et jeudi. Mais les marcheurs suivent le courant, ne prévoient pas où ils amarrent, laissant le soin au hasard de dire le moment de chercher un lit pour la nuit.

Jour d'élections aujourd'hui.  Depuis 10 jours nous vivons hors du temps, sans suivre les nouvelles et les querelles pichrocolines entre candidats.Le temps météorologique nous atteint plus car les orages nous ont affectés mais sans atteindre la violence de ceux décrits par Laurence et Geneviève à Créteil ou ce que j'ai pu lire, tout à l'heure du côté de Beaune et Seurre. Le Célé, sous nos fenêtres, a la couleur de la boue mais a gardé son cours languissant.  le soleil est en train de tenter une percée, il ne pleuvra pas même si la température a nettement fléchi.

Regardez bien, un instant, l'homme au centre de la photo et essayez de lui donner un âge, même approximatif.  Je vous le donne en mille : 84 ans et il court comme un  lapin; il a fait, à partir de 77 ans la plupart des chemins de Compostelle dans un parcours qu'il nous a conté une partie de la soirée jusqu'à 22h. Je l'avais reçu en début d'après midi en même temps que son fils et j'ai du lui faire répéter et confirmer son âge tellement je n'en croyais mes yeux. 

La soirée autour du repas en fut d'autant plus fantastique que les parcours de vie des autres pèlerins étaient eux-mêmes captivants. Derrière l'homme dont je vous parle une femme de 67 ans dont le mari s'est pendu l'an dernier et à droite un "sportif" de la fédération nationale de handball. Chacun raconte et se raconte mais la verve, et surtout la profondeur du premier sont sans pareilles. A 84 ans il a un cheminement étonnant qu'il développe comme les conteurs d'autrefois, le soir à la veillée. Sauf que ce n'est pas un conte mais une aventure humaine, difficile à retranscrire dans le format du téléphone: ses rencontres, sa quête d'une vérité qu'il ne saisit pas; c'est le livre de Vincenot "Les étoiles de Compostelle" retranscrit dans le monde moderne; le "connais toi toi même" .  L'histoire devait être courte mais, une fois lancé, on ne l'arrêtait plus : son arrive au bout du chemin.  J'ai l'habitude de dire que, à Fisterra, on arrive bien au kilomètre zéro  , c'est la fin de la route, ce n'est pas la fin du chemin. Il se disait peu cultivé, son verbe disait le contraire, l'histoire vous laissait "scotché", suspendu à ses lèvres. On a oublié la vaisselle, on a oublié l'heure, on a négligé le moment du couvre feu et on l'a écouté. Il faudra quelqu'un pour retranscrire ce torrent. Il a écrit, à la demande de ses enfants et petits enfants un "résumé"  parce que ses propres enfants lui disaient qu'ils ne le connaissaient pas. Privilège des hospitaliers que nous sommes d'entendre ces "contes" du chemin, ces vies d'hommes et de femmes dont l'humilité est la première des qualités.

La lune sera bientôt pleine, le soleil s'est couché sans l'ombre d'une ride.la nuit est douce et limpide, le vent s'en est allé; il n'y aura pas de rayonnement nocturne, pas de pluie du petit matin.  Les pèlerins s'égayent, qui vers Rocamadour, qui vers la vallée du Célé ou encore Cajarc. Les premiers seront seuls sur leur route au nord ouest, les deux autres feront route commune avant de se séparer à Béduer mais, peu ou prou, se retrouveront forcément un jour quelque part sur le chemin de Santiago.

ROUSSEL Henri et Jocelyne

1 commentaire:

  1. Quel plaisir de lire tes billets ! Merci à tous les deux de ces partagés !!!

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