Il semblerait que nos pèlerins en perdition, habitants provisoires du grenier aient finalement si bien dormi que j'ai du, à mon grand regret les secouer ce matin car le gîte allait fermer, pour que nous puissions vaquer aux occupations obligatoires du matin, lessives, nettoyage. D'autant que nous avions besoin du grenier pour étendre le linge tandis qu'à l'aube une dernière pluie se manifestait. L'aube laissait de l'espoir car des "culottes de gendarme" pointaient au couchant. prédiction vérifiée car le soleil était de retour avant 9h avec une température beaucoup plus clémente pour les marcheurs.
J'ai du un peu bousculer nos trois pèlerins qui s'attardaient alors que nous avions rendez vous, à ma demande, avec la mère supérieure à 8h45. Elle fut d'une ponctualité absolue en nous ouvrant la porte du Carmel à l'heure dite.
Elle nous conduisit au parloir, pièce un peu à l'écart muni de sa grille derrière laquelle elle s'est placée et la conversation s'est engagée. Il lui fallait nous connaître un peu, parler de l'hospitalité en général et à Figeac dans le contexte du Carmel ... et du Covid. Nous avons parlé gestion à la fois pour la responsabilité qui nous incombait durant notre séjour, et pour tenir compte de leurs propres contraintes. Le Carmel de Figeac a échappé aux saisines de 1905 en étant constitué depuis 1901 en association grâce à la loi de la même date. Lourde responsabilité en même temps compte tenu de la taille des bâtiments, notamment l'église. Le fonctionnement est complexe car elles ont fait vœu de pauvreté ce qui n'enlève rien aux contraintes qui pèsent sur elles. Toute postulante entrant au Carmel devait venir, autrefois, avec une dot qui était gelée par le diocèse et n'était libérée qu'à sa mort. Si elle renonçait à ses vœux avant, elle récupérait, bien entendu, la somme versée à l'origine lors de son entrée en noviciat. Cette "coutume" ne se pratique quasiment plus; seules les sœurs les plus âgées sont en mesure, ainsi, de se dire qu'elles aideront, au jour de leur mort, au bon fonctionnement du couvent.
Trois quart d'heures d'entretien; on apprend beaucoup de choses pendant ce moment au parloir où l'on sort un peu, beaucoup, du temps présent et du siècle au sens religieux du terme. Les sœurs bien entendu ne sortent pas de l'isolement et pourtant il faut bien assurer le quotidien, entre autres acheter la nourriture. Une d'entre elles est préposée à cette tâche et l'on a eu la surprise de la voir déambuler dans les rayons du Leclerc pour faire les courses indispensables. La mère supérieure bien sûr est accessible dans les conditions indiquées plus haut. Sinon la sœur portière assure le lien avec les visiteurs de passage.
Autres pèlerins, autre manière de dialoguer et partager. Ce soir on discutait de l'appréhension du chemin, de ce moment dont parle si bien JC Ruffin dans "Immortelle Randonnée" où l'on atteint un point de non retour, celui où l'on sait qu'il n'y aura pas de demi tour et que l'on ne quittera plus la route. Ce moment personne ne peut dire vraiment à quel instant ils l'ont perçu, il peut être quasi instantané ou murir sur plusieurs jours et c'est un détail qui fera la différence, cette odeur dans l'air, cette fleur au coin d'un muret de l'Aubrac ou, dans ce même paysage inoubliable la vache aux yeux ourlés et cornes magiques qui vous regarde langoureusement, ce chat qui disparaît sous une porte, ou ce cortège de canards tenu "en laisse" par une vieille femme dans les rues de Sénergues. C'est un sourire à l'accueil, un verre d'eau au moment où l'on en besoin, cette réparation du pied couvert d'ampoules à la sortie de Pampelune un jour de chaleur caniculaire.
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La culotte de gendarme du matin a été remplacée par un grand drap bleu, agité par un vent du sud, de nouveau chaud mais tempéré par le Célé et son cours nonchalant. Dans le couchant les nuages ont rosi, annonciateurs d''une belle journée. Les pèlerins profitent de la douceur du soir dans les rues désertées du vieux Figeac , le nez en l'air et regardant les vols de martinets sur la tour de St Sauveur. Le pêcheur au lancer vient de ranger ses cannes à pêche. Les portes du gite se referment, la nuit sera réparatrice.
ROUSSEL Henri et Jocelyne.
Quel plaisir de te lire Henri . Merci !!!
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