Hospitalier dans l'âme (et dans la vraie vie) Henri a partagé avec nous une série de récits qui témoignent de son expérience à Conques et à Saint Jacques. Nous partageons avec vous ces récits pendant cette période de Carême. Une lecture qui nous permettra de nous mettre dans la peau de l'hospitalier, cette personne qui participe au Chemin en accueillant les pèlerins… ce n'est pas rien!
Tout bouge pour que rien ne bouge
Tout bouge à Conques, et en permanence.
Nous sommes des bénévoles privilégiés au regard de ceux qui, ailleurs sur le chemin, œuvrent pour les pèlerins. A Estaing c'est spartiate et peu confortable. Nous avons nos chambres ,propres et bien situées, tout le matériel nécessaire pour les tâches quotidiennes, un cuisinier, ou cuisinière, qui préparent chaque repas. D'une année sur l'autre nous observons, ébahis, les travaux entrepris pour rendre l'abbaye accessible et agréable pour tous, et les hospitaliers en premier qui y passent leur journée depuis l'aube qui n'a pas encore blanchi, au coucher tardif alors que déjà brillent les étoiles et que s'illumine le chevet de l'abbatiale. Et pourtant la journée de l'Hospitalier reste immuable dans ses tâches ménagères et d'accueil. Il balaie et lave, entre et sort les poubelles, monte et descend les escaliers, en haut, en bas
Où en es-tu l'ami ? : pour le moment 800 marches
Et toi ? 900, je me suis levé un peu plus tôt et j'ai dû faire des réparations en oubliant les bons outils à la cave.
14 heures: c'est la ruée, le boom des arrivants qui, bien qu'ayant réservé, craignent un problème de dernière minute.
18h50: la cloche a sonné, heure du repas, le petit mot du frère, le cri de guerre des marcheurs vers St Jacques, « Ultreia ! » , les recommandations diffusées par un hospitalier. Ils iront ensuite dans l'abbatiale, puis écouteront la description du tympan, se laisseront envelopper par l'orgue et dans la nuit venu contempleront le tympan surgi du Moyen Age dans sa polychromie révélée dans les plis du Christ en gloire.
C'était il y a dix ans, c'est aujourd'hui le rythme des jours, en mieux encore.
Tout bouge pour que rien ne bouge. Les frères étaient cinq au début de l'aventure et - quand je suis venu pour la première fois. Ils sont sept et avec une moyenne âge fortement rajeunie. Ils sont sept depuis quelques mois.La sociologie a changé, leurs origines professionnelles plus encore: le nouveau prieur a quarante ans et vient des commandos parachutistes; un autre était ébéniste, puis chargé de communication avant de choisir la voie des prémontrés. D'autres viennent du droit ou ont arrêté leurs cycle supérieur avant de l'achever. Moins de Versaillais, moins de grandes écoles. Des gens plus ancrés sur le terrain; ils sont au demeurant prêtres dans des paroisses très rurales autour de Conques. Mais si ce bouleversement est sensible, pour autant les rites, les cérémonies, l'ambiance est immuable, Les chants du soir, lors des complies revêtent une beauté singulière renforcée par la semi pénombre dans laquelle est plongée l'abbatiale. C'est la magie de Conques qui elle, jamais, ne changera.
Je dors face à la fenêtre qui ouvre sur le chevet de l'abbatiale brillamment éclairé. Le veilleur de nuit a éteint toutes les bougies autres que celles qui traversent les vitraux, le tympan a retrouvé sa magie nocturne; la demie de 22h a sonné, et l'orgue s'est tu. La nuit sera douce, préfigurant les grandes chaleurs annoncées.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci pour le commentaire que vous voudrez bien laisser sur cet article!