Marcher sur le chemin de St Jacques de Compostelle
Une quête, un chemin
initiatique jalonné de signes, de rencontres mystérieuses, d’épreuves, où les
éléments et les hommes se conjuguent pour dépouiller le pèlerin d’abord du superflu,
puis du nécessaire, pour enfin, selon la loi du chemin, le laisser à Santiago,
seul devant le Seul.
Jocelyne et Henri ROUSSEL de Tichey
ont marché sur le chemin de Compostelle entre Cluny et St Jacques. Ce sera
ensuite Nice Rome, puis le chemin d'Assise, Lisbonne St Jacques et Séville St
Jacques entre 2013 et 2017, enfin Irun Cap Finisterre en 2018.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience ?
Il est, dans ce domaine, difficile de
faire partager son expérience, tout au plus suggérer quelques conseils
pratiques.
Le premier d'entre eux, et le plus impératif, si l'on veut marcher loin, est de marcher « léger ». Pour une femme le sac ne devrait pas dépasser 7 kg, pour un homme 10 kg, étant entendu qu'il faut prévoir le ravitaillement en eau et la nourriture pour la marche. L'autre conseil est relatif aux chaussures : inutile de s'encombrer de chaussures pour la montagne, et s'en tenir davantage à des équipements de marche que l'on trouve dans tout magasin de sport, chaussures basses accompagnées en revanche de chaussettes adaptées.
Le premier d'entre eux, et le plus impératif, si l'on veut marcher loin, est de marcher « léger ». Pour une femme le sac ne devrait pas dépasser 7 kg, pour un homme 10 kg, étant entendu qu'il faut prévoir le ravitaillement en eau et la nourriture pour la marche. L'autre conseil est relatif aux chaussures : inutile de s'encombrer de chaussures pour la montagne, et s'en tenir davantage à des équipements de marche que l'on trouve dans tout magasin de sport, chaussures basses accompagnées en revanche de chaussettes adaptées.
Marcher « léger » c'est
aussi ne pas transporter un duvet, inutile dans tous les cas, et s'en tenir à
un « sac à rêves » comme le disent si joliment les québécois,
autrement dit un sac à viande. Eviter de la même manière toute tente ou
équivalent.
Le chemin de Compostelle n'est pas une
épreuve physique insurmontable, l'entraînement s'acquiert au fil des jours en
augmentant progressivement les distances parcourues. L'aspect psychologique est
plus important surtout si l'on « voyage » seul. Suivant le temps dont
on dispose, on peut tronçonner la marche sur plusieurs années en prévoyant des
objectifs atteignables, par exemple Conques, puis Moissac, puis St Jean Pied de
Port.
Que vous a apporté le chemin ?
Une citation me semble résumer ce que
l'on trouve sur ce chemin : « Si vous devez mourir demain, sur ce
chemin, dites-vous que votre vie sera accomplie pleinement car vous seriez mort
en état de recherche absolue. Et, lorsque vous serez revenu chez vous,
dites-vous que vous serez encore sur le chemin et que vous y serez désormais
toujours car c'est un chemin qui ne connaît pas de fin. Sachez-le et ne
l'oubliez jamais »
Je suis désormais le premier à vouloir
repartir, explorer d'autres chemins, monter de Séville vers Santiago par la Via
de la Plata. Je veux ressentir à nouveau ces angoisses nocturnes qui vous
réveillent quand vous vous demandez si vous serez capables de repartir avant
l'aube blanchissante ; je veux retrouver cette exaltation des fins de
journée à l'arrivée de l'étape quand l'on se retourne vers le chemin
parcouru ; je veux danser et chanter sous les frondaisons d'eucalyptus en
Galice, écouter monter des profondes vallées les cloches des troupeaux rentrant
à l'étable ; je veux m'émouvoir en pénétrant dans le silence des églises
romanes et m'extasier au pied des tympans historiés qui sont des livres ouverts
sur le sens de la vie. Nous avons traversé des paysages, je les ai presque
photographiés dans ma tête ; j'ai gardé dans ma mémoire un chemin montant
dans l'or des genêts et le pourpre des bruyères, une église abandonnée perdue
dans l'océan des blés, j'entends siffler
le vent et claquer une tôle dans ce village du Far-West quelque part au
fond de la Meseta. Je vois fondre l'averse sur nous, les grandes meules de paille
dans le soleil levant tandis que nos ombres s'allongent devant nous sur le
chemin en direction de Los Arcos. Les éoliennes, en fond de décor, nous
aspirent, tendus que nous sommes vers l'horizon, au-delà de la barre rocheuse
derrière laquelle se cachent l'étape et le gîte. J'ai exulté quand, le soir
venu, sans attendre le moment de la douche, je courais à la découverte du
nouveau lieu où nos pas nous avaient menés. Je ne sentais plus la fatigue des
longues heures de la route ; je voulais ne rien manquer de ce que ce temps
privilégié nous offrait.
Avez-vous été marqués par de belles rencontres ?
Gilbert CESBRON disait la chose
suivante : « Et je me demande soudain si tous les instants qui
justifient une existence ne se résument pas à cela : un regard qui en
rencontre un autre, un rendez-vous d'âmes égales, un jalon pour
l'éternité »
Oui nous avons fait de très belles
rencontres ; j’en citerai une se situant l'avant-veille de notre arrivée à
Santiago. Il est trois heures de l'après-midi, le soleil plombe et nous avons
déjà parcouru plus de 30 kms. Nous n'avons plus d'eau. Dans une montée, après
un ruisseau à sec une vieille femme s'approche, et nous tend cette bouteille à
laquelle nous aspirions si fort. Seuls les regards parlaient et le sourire de
cette personne nous a accompagnés pour toujours.
L’autre rencontre est celle de cette
femme à Burgos alors que nous attendions l’ouverture du gîte au chevet de la
Cathédrale. Je touche (bouscule ?) une jeune femme en heurtant sa
chaussure. Elle émet alors un hurlement déchirant qui se prolonge à un point
tel que je finis par me dire qu’elle exagère. Elle nous montrera très vite la
cause de cette souffrance qui était tout sauf feinte ; en relevant le bas
de sa chaussette elle nous laisse voir un membre dont il ne reste pratiquement
plus qu’un os couvert d’une peau bleuâtre. Et elle marche ainsi, depuis des
jours, le sourire aux lèvres comme si de rien n’était, en ayant toujours un mot
aimable, une parole de réconfort pour les marcheurs en perdition ou en souffrance !
Jean Jacques GOLDMAN le chanteur
résume bien ce que sont ces rencontres sur le chemin : « J'ai
laissé des bouts de moi au creux de chaque endroit. Un peu de chair à chaque
empreinte de mes pas, Des visages et des voix qui ne me quittent pas, autant de
coups au cœur et qui tuent chaque fois »
« On ne peut asservir l'homme qui
marche », disait Henri VINCENOT
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